Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan







Un blog pour faire partager ma passion pour la littérature et plus si affinités
L’histoire : « La jouissance » raconte l’histoire d’un jeune couple d’une trentaine d’années, Pauline et Nicolas, issus de la « génération Y ». Nicolas est passionné de cinéma et rêve d’en faire son métier à la manière de Godard. Pauline, elle, est angoissée par l’avenir et travaille dans une grande entreprise de cosmétique où elle espère faire carrière.
Pauline et Nicolas se rencontrent, se découvrent, se désirent, s’aiment, vivent ensemble. Si Pauline voit Nicolas comme l’homme de sa vie et celui avec lequel elle se voit vieillir, Nicolas, quant à lui, est beaucoup moins sûr de lui, et a peur de passer à côté de sa vie en restant avec une seule partenaire.
Un jour, Pauline annonce à Nicolas qu’elle est enceinte. La routine s’installe ; leurs pulsions égoïstes et leur envie de fuir l’engagement aussi.
Ce que j’en pense : pour moi, «la jouissance » est plus une analyse psycho-sociologique du couple moderne qu’un véritable roman. En effet, l’histoire est plutôt sommaire et banale et le lecteur attachera beaucoup plus d’importance à l’analyse des sentiments de chacun des personnages (dès les premières pages, j’ai eu envie de prendre mon carnet et mon stylo pour prendre des notes).
D’ailleurs, Florian Zeller avoue volontiers avoir rédigé ce livre après observation de son entourage. La plupart de ses amis, trentenaires, se sont tous installés en couple et ont commencé à faire des enfants… pour se séparer peu de temps après. Etonnant ? Pas tant que ça pour une génération qui a, selon l’auteur, « désappris » à faire des enfants.
Mais alors, « la jouissance » de quoi ça parle ?
Tout d’abord, on peut y voir assez nettement la différence de conception de l’amour et du couple entre l’homme et la femme.
L’amour au masculin est très terre à terre et cartésien. L’homme a notamment besoin de définir et d’identifier chaque sentiment avant de pouvoir leur donner une existence. Il a également un besoin chronique de comparaison entre ses différentes partenaires pour s’assurer qu’il a bien ce qu’il y a de meilleur. En effet, l’homme supporte assez mal l’idée de rester avec une seule partenaire toute sa vie car il ne pourra satisfaire tous ses désirs et il aura l’impression de passer à côté de sa vie. C’est notamment cette pensée qui le fait fuir (en courant) l’engagement.
La femme, au contraire, place l’amour sur un piédestal et donne plus d’importance aux sentiments et au spirituel qu’au pragmatisme. Contrairement à l’homme, elle a une vision monogame de l’amour et croit à l’amour pour la vie. Ce qu’elle attend de l’amour, c’est avant tout un moyen de se rassurer. Pour cela, elle souhaitera trouver un homme en qui elle verra un protecteur et qui la rassurera sur ses angoisses à propos du futur. C’est donc pour cela qu’elle recherche l’engagement.
On peut aussi noter que la vision de la femme selon le personnage de Nicolas est binaire : soit elles sont des femmes d’une vie (Pauline), soit elles sont des femmes d’une nuit (Sofia). Mais il n’existe pas de troisième catégorie.
Une question essentielle est également posée dès le début du livre et constitue son thème principal : pour qui peut-on encore se sacrifier aujourd’hui ?
Dans « la jouissance », il est question d’enfant et de maternité. On sait tous que la naissance d’un enfant bouleverse la vie d’un individu qui devra alors faire de nombreux sacrifices pour cet enfant.
Néanmoins, « la génération Y » que nous sommes, qui nous regardons constamment le nombril en quête d’amour et d’estime de soi, qui ne jurons que par les loisirs et par les plaisirs solitaires… sommes-nous vraiment prêts à accueillir un enfant ? Sommes-nous vraiment prêts à disparaitre et reléguer notre individualisme au second plan pour un enfant ?
Vraisemblablement pas pour l’auteur.
Ce livre pose définitivement la question de la place du MOI dans le couple aujourd’hui. Pour Nicolas, l’engagement et les sacrifices que cela implique lui donnent envie de fuir à toutes jambes ! Hors de question de sacrifier ses sorties, ses potes, ses envies, sa carrière (bref tout ce qui excite ses pulsions narcissiques et égoïstes) pour sa compagne ou son enfant qu’il relèguera au second plan (ou à sa mère). C’est d’ailleurs cette absence de sens du sacrifice qui va le conduire à l’infidélité ; il se révèlera incapable de placer son MOI après son enfant et après sa compagne.
Pauline, quant à elle, rêve du type de relation qui existait au siècle dernier mais surtout d’une relation où elle pourrait totalement maitriser son compagnon et le modeler selon l’image qu’elle souhaite. Pauline fera donc passer ses désirs avant ceux de son compagnon et de sa personnalité.
Ainsi, Pauline et Nicolas représentent une génération qui n’a plus le sens du sacrifice. Ils n’aspirent qu’à la jouissance individuelle. C’est ce qui explique, selon l’auteur, le nombre de séparation des jeunes parents trentenaires de nos jours.
Par ailleurs, pour nous parler du couple, Florian Zeller a choisi de comparer la construction du couple à la construction de l’Europe. En ce qui me concerne, je n’ai pas trouvé cette analyse particulièrement pertinente et percutante, donc je passerai sur ce sujet.
Enfin, « la jouissance » est un livre qui se lit en très peu de temps (une journée peut suffire) et très facilement. Le lecteur n’éprouve pas de sensation d’ennui : les phrases sont courtes, le rythme dynamique constant, le style est incisif mais fait passer intelligemment le message de l’auteur.
Après avoir refermé ce livre, je me suis dit que beaucoup de couples ont sans doute dû se reconnaitre à travers Pauline et Nicolas. Et qui sait, peut-être même l’auteur le premier..
Et pour finir, une petite citation :
- « Ça se passe bien entre vous ?
- Pourquoi ?
- Non je te pose la question.
- Ça va.
- Parce que j’ai remarqué que la plupart des gens qui font un enfant se séparent dans l’année qui suit…
- Tu dis ça pour me remonter le moral ?
- Non, non, je te dis ça sérieusement. Tu n’as pas remarqué ? Moi, en tous cas, autour de moi, c’est flagrant. […] C’est quelque chose qui me frappe. Pas toi ? Il me semble qu’avant, le fait d’avoir un enfant avait plutôt tendance à consolider les liens entre les parents... Non ?
- Je ne sais pas. Moi, mes parents se sont séparés quand j’avais quinze ans. Les tiens aussi ».
L’histoire : c’est à travers la plume de Soledad que nous allons suivre l’histoire de sa mère, Frasquita Carasco, et celle de ses enfants.
Frasquita est née dans un petit village au sud de l’Espagne dans les années 1930. Mais Frasquita n’est pas une jeune fille comme les autres : certains la qualifieraient de magicienne, d’autres la qualifieraient de sorcière. En réalité, Frasquita possède un secret qui se transmet de générations en générations.
Lorsqu’elle devint une jeune fille, sa mère l’initia à des prières ancestrales et lui transmis une boite mystérieuse que l’on transmet dans sa famille depuis la nuit des temps. Frasquita y découvre alors des fils et des aiguilles et s’initie à la couture.
Mais Frasquita ne se contente pas seulement de rapiécer de simples chiffons, elle fait bien plus que cela : elle coud les êtres ensembles, elle raccommode les êtres à la vie, elle reprise les hommes effilochés. Ainsi, Frasquita développe un don extraordinaire pour la couture.
Puis vient le temps où ses parents décident de la marier. Ils choisissent pour elle José, jeune forgeron du village, avec qui elle aura cinq enfants. Personnage particulièrement égoïste et méprisable, José délaisse fort vite sa femme et ses enfants pour s’adonner à l’une de ses passions : les combats de coqs.
C’est d’ailleurs au cours de l’un d’eux que José perdra sa femme. Frasquita préfèrera alors prendre la fuite, prenant ses enfants sous le bras, et trainant tant bien que mal sa charrette à bras.
A ce moment, commence pour Frasquita et ses enfants un long périple à travers l’Espagne, au cours duquel elle croisera des personnages dignes des contes et légendes tels que le meunier fantôme, les guerriers révolutionnaires ou encore l’ogre chasseur d’enfants.
Mais surtout, durant ce voyage, les enfants de Frasquita développeront eux aussi tour à tour des dons tous plus singuliers les uns que les autres et apprendront plus ou moins à les maitriser.
Ce que j’en pense : ce livre a suscité de nombreux coups de cœur parmi mes collègues de la blogosphère... coups de cœur auquel je me joins bien volontiers !
L’engouement suscité par « Le cœur cousu » réside avant tout dans le style adopté par l’auteur. En effet, tout comme Frasquita a reçu un don pour la couture, il semblerait que l’auteur ait reçu elle aussi un don pour l’écriture.
Carole Martinez nous offre un récit où se mêlent et s’entremêlent gaiement la poésie (omniprésente dans le livre), le merveilleux, ou encore la magie. L’histoire de Frasquita nous est racontée sous la forme d’un conte écrit avec une élégance et une finesse que j’ai rarement connues. Par conséquent, le lecteur se retrouve comme pris au piège par ce roman duquel il ne peut plus se détacher et n’a qu’une envie : tourner les pages encore et encore pour connaître la suite des aventures de Frasquita.
Il s’agit d’un récit plein de sensibilité et on sent bien que les émotions de chacun des personnages sont développées et analysées avec une réelle passion et une intensité tout à fait singulière. Et ceci est d’autant plus impressionnant quand on sait qu’il s’agit de son premier roman !
Aussi, je ne peux que conseiller vivement ce livre à ceux qui ne lisent pas (ou peu) : il vous réconciliera sans aucun doute avec la lecture !
Sur le fond, « Le cœur cousu » aborde également différents thèmes.
Pour ma part, j’ai notamment retenu celui du jugement, de notre regard sur les autres, de ceux qui sont différents de nous. La famille Carasco est une famille singulière en bien des points. Et c’est cette singularité qui fera qu’ils ne seront jamais acceptés par les gens du village qui les regarderont toujours comme des gens différents, des sortes de « bêtes de foire » avec lesquelles il ne faut pas se lier.
Alors qu’au fond, les femmes de la famille n’ont pas choisi ces dons et ne font aucun mal à la population locale. Elles feront toujours face aux critiques avec dignité. C’est d’ailleurs cette dignité et cette force de caractère qui font des femmes de ce roman des personnages attachants.
Un autre thème que j’ai pu retenir est celui de la vision de l’homme et de la femme par l’auteur. En effet, il est incontestable que les hommes ont le mauvais rôle dans cette histoire. José, le mari de Frasquita, est présenté comme un homme égoïste et égocentrique qui perd tout ce qu’il possède au jeu, y compris sa propre femme. L’auteur dresse également un portrait plutôt noir et sombre de l’homme aux oliveraies. Enfin, Pedro, le seul fils de la famille, commet un méfait impardonnable à la fin de l’histoire.
La vision des femmes, en revanche, est totalement opposée et ce sont elles qui prennent toute la place dans le roman. L’auteure leur donne une dimension mystique voire même presque divine. Ainsi, les femmes sont perçues comme les gardiennes de la magie et des traditions séculaires telles un temple sur lequel les hommes pourraient se reposer (Frasquita s’occupe de son mari comme une mère s’occupe de son enfant). Ce sont elles qui guérissent ou qui accouchent, elles ont un véritable rôle maternel. Les hommes, quant à eux, se contentent de travailler et de se livrer bataille. Les femmes, au final, sont les gardiennes de la vie.
La conception de l’amour est également différente chez les hommes et les femmes. Si les hommes ne conçoivent l’amour qu’à travers le physique et la chair, les femmes, quant à elles, lui donnent une dimension spirituelle. L’acte sexuel, maintes fois évoqués par l’auteure, représentent pour les femmes une véritable communion avec leur partenaire, une manière de s’associer pour ne former plus qu’un. Contrairement aux hommes, les femmes éprouvent un désir qui les touche au plus profond de leur être.
Enfin, les enfants de Frasquita ont tous reçu un don qui encombrera plus ou moins leur vie. Je les trouve plutôt attachants dans leur ensemble. Ce qui m’a surtout plu, c’est leur pureté et leur authenticité car ils semblent exempts de tout vice. Une pureté qui leur a été très clairement transmises par la mère.
Finalement, l’histoire n’étant qu’un éternel recommencement, on se demande, lorsqu’on referme ce bouquin, s’il existe quelque part dans le monde une petite fille qui attend ; une petite fille qui attendrait avec impatience, elle aussi, d’ouvrir un beau jour sa boîte..
Et pour finir, une petite citation : « la mère la fait tourner sur elle-même, plusieurs fois. Plus de repères. Le sol se dérobe. Vertige. Les yeux cherchent, cherchent la lumière. S'échapper. Alors une voix s'élève dans la nuit. Pas celle de la mère. Une voix qui semble venir du cœur de la terre, une voix d'outre-tombe, et la voix, énorme, murmure, à la fois proche et lointaine, à la fois hors de Frasquita et sous sa peau, à la fois claire et sourde. La jeune fille devra tout répéter. Tout retenir. Elle n'a que quatre nuits pour engranger un savoir millénaire ».