La passion Lippi de Sophie Chauveau
Qui a dit que les moines dessinant des Madones étaient tous des anges ? Ce n’est certainement pas le cas de Filippo Lippi, artiste libre, moine défroqué, prince des voyous, manipulateur, ivrogne et libertin.
« La passion Lippi » est le premier volet d’une trilogie consacrée à la Renaissance italienne ; suivent ensuite « le rêve Botticelli » (disciple de Lippi) et « l’obsession Vinci ».

Il le confie alors à son grand ami, Guido di Pietro, peintre artisan, auprès duquel Lippi apprendra les bases du métier (préparer les panneaux, dessiner, mélanger les couleurs..). Il le confie également au couvent des carmes auprès duquel Lippi recevra une éducation religieuse des plus strictes. Lippi est heureux : heureux d’en avoir fini avec la misère de la rue mais surtout, heureux d’apprendre. « Il aime apprendre. Il vient de le découvrir : il adore qu'on lui enseigne des choses. Chaque nouveauté est un cadeau. Il se sent vivre plus fort quand on lui communique des choses formidables. Formidable bonheur ! Il jubile de tout son corps ». Néanmoins, Lippi a soif de liberté.
Et pour se sentir plus libre, il s’échappe tous les soirs du couvent où il loge pour retrouver les prostituées des bordels alentours. Il trouve auprès d’elles réconfort, tendresse, enivrement et plaisir de la chair alors qu’il est âgé d’à peine treize ans. Lippi réalisera d’ailleurs des fresques murales et des peintures sur plafond à l’intérieur de ces bordels. Ses œuvres représentant des madones dévêtues lui vaudront le surnom de « prince des bordels » et lui assureront la protection des prostituées.

A soixante ans, on lui demande de réaliser un triptyque marial pour la chapelle d’un couvent à Prato. Lippi choisit de prendre une nonne pour modèle. Il voit toutes les nonnes du couvent, une par une. Aucune ne semble le satisfaire. Puis, entre la jeune Lucrezia Butti. Il le sait, c’est elle la Vierge Marie. Une Vierge pour qui il s’est pris de passion dès le premier regard mais aussi une Vierge qui le poussera à commettre l’irréparable..
Ce que j’en pense : Quelle incroyable vie que celle de Fra Filippo Lippi ! Moine mais pas saint pour autant, Lippi apparait comme un personnage attachant par certains côtés, et antipathique par d’autres. Et pourtant, soyons honnête : je me suis un peu ennuyée pendant les 300 premières pages du livre (qui en compte 480).

Les œuvres peintes par Lippi sont plutôt bien décrites mais on déplore toutefois l’absence d’illustrations. Du coup, je n’ai eu qu’une envie une fois le bouquin fini : chercher toutes les œuvres de Lippi pour pouvoir retrouver celles décrites par l’auteur !
La midinette fleur bleue que je suis a préféré la seconde partie consacrée à la grande histoire d’amour de Lippi avec Lucrezia, qui lui inspira la plupart de ses toiles. Et là, avouons-le, Sophie Chauveau a une manière de décrire et de raconter l’amour et le désir de l’autre que peu d’auteurs ont. J’étais tout simplement scotchée au livre et je ne m’en détachais qu’à grand peine. Il y a une telle intensité dans son écriture ! Des sentiments si vrais, si profonds que ça ne peut être que du vécu. J’en reste encore toute retournée rien que d’y penser..
Et pour finir, une petite citation : « Mais c’est étrange. Depuis ce matin, je le sais toujours mais je ne le crois plus vraiment, plus autant. Enfin pas seulement. Vous me regardez aussi… Comment dire ? … Pour me voir. Pas uniquement pour me peindre. Voilà ! C’est ça ! Oui ! Et c’est pour ça que je me sens toute nue. Complètement nue. Comme on n’a pas le droit au couvent. […] Je suis déshabillée par vos coups d’œil. Ces successives douleurs. C’est moi qui suis nue, pas la Sainte Vierge que vous dénudez, mais bien la pauvre Sœur Lucrezia de l’Annonciation ».
