Fugitive parce que reine de Violaine Huisman
Ce que dit la quatrième de couv’ : « Ca ne voulait rien dire d’abord, maniaco-dépressive. Ou si, ça voulait dire que maman pouvait monter dans les tours, des tours que je visualisais aux angles d’un château fort, des donjons, au sommet desquels j’imaginais maman grimper à toute allure, et d’un bond plonger au fin fond des cachots ou des catacombes, enfin là où il faisait froid et humide. Maman avait donc disparu du jour au lendemain. »
A travers des yeux de petite fille, la narratrice raconte son enfance tumultueuse auprès d’une mère rayonnante, malgré ses fêlures et sa défaillance. Mais la plume de Violaine Huisman porte aussi la voix déchirante d’une femme, une femme avant tout, qui n’a jamais cessé d’affirmer son droit au rêve et à la liberté.
Le jour de la chute du mur de Berlin, l’année de mes dix ans, tandis que défilaient sur les écrans du monde entier des images d’embrassades, de larmes, de joie, de bras déployés en signe de victoire, des ribambelles d’hommes et de femmes en liesses devant des monticules de pierre, des éboulis, des nuées de poussière, nous autres, Français, assistions à cet évènement historique au détour des fondus enchaînés sur le visage sévère du présentateur du journal de 20 heures, lequel nous avait tacitement invités à passer à table – pour ceux qui passaient à table – c’est-à-dire ceux d’entre nous qui suivaient un rituel familial et pour qui le JT avait remplacé le bénédicité ou constituait une sorte de prière républicaine, un rite séculaire conforme à la laïcité de notre patrie[...]
Ce que j’en pense : si j’ai trouvé la première partie de ce livre un peu trop descriptive, la seconde et la troisième partie, quant à elles, m’ont touché en plein cœur : elle est bouleversante, dérangeante, solaire et émouvante.
« Elle », c’est Catherine, la mère de l’auteure. Catherine est une femme magnifique, gracieuse, longiligne, à faire pâlir les plus belles femmes de Paris. Mais Catherine est maniaco-dépressive. Elle ne sait vivre que dans l’excès. Elle a des crises de colère pendant lesquelles elle hurle contre ses filles, les insulte parfois, puis revient la bouche pleine de mots d’amour et les étreint en leur chuchotant doucement qu’elle les aime plus que tout.
Le père travaille beaucoup, est peu présent, rend visite le soir. C’est lui qui a l’argent, lui qui a le pouvoir. Et au milieu de tout ça, deux petites filles qui assistent impuissantes à la chute de leur mère et se serrent la main tous les soirs avant de s’endormir…
« Fugitive parce reine » raconte l’histoire d’une mère à travers les yeux de sa fille. Une mère rayonnante, une reine, mais une mère avec des défaillances et de graves séquelles qu’elle essaiera de combler toute sa vie. La fille va partir à la recherche des origines du mal.
Fruit d’un désamour, Catherine se construira seule, entre ses hospitalisations, ses maris, ses amants, ses amantes, ses crises, l’alcool, les cigarettes, les crises encore. Les mots sont percutants, vous mettent mal à l’aise, vous révoltent, mais vous touchent immanquablement.
L’écriture de Violaine Huisman est lumineuse et respire l’amour inconditionnel qu’elle porte à sa mère. Et cet amour-là, le vrai, il m’a transpercé le cœur…
Bien évidemment, ce roman m’a fait penser au roman de Delphine de Vigan, « Rien ne s’oppose à la nuit » qui a également pour thème la relation mère-fille et où les deux mères ont toujours revendiqué le droit au rêve et à la liberté. Elles en ont toutes deux payé le prix…
Ma note : 3,75/5
" Fugitive parce que reine " : Violaine Huisman, pour l'amour d'une mère
L'éloge poignant de la folie maternelle. Avec " Fugitive parce que reine ", bouleversant premier roman autobiographique de Violaine Huisman, l'écrivaine rend...