Réparer les vivants de Maylis de Kerangal

Publié le par mademoisellechristelle

Réparer les vivants de Maylis de Kerangal

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Ce que dit la quatrième de couv’ : "Le coeur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d'autres provinces, ils filaient vers d'autres corps". "Réparer les vivants" est le roman d'une transplantation cardiaque. Telle une chanson de gestes, il tisse les présences et les espaces, les voix et les actes qui vont se relayer en vingt-quatre heures exactement. Roman de tension et de patience, d'accélérations paniques et de pauses méditatives, il trace une aventure métaphysique, à la fois collective et intime, où le cœur, au-delà de sa fonction organique, demeure le siège des affects et le symbole de l'amour.

C’est que le cœur de Simon Limbres, ce cœur humain, depuis que sa cadence s’est accélérée à l’instant de la naissance quand d’autres cœurs au-dehors accéléraient de même, saluant l’évènement, ce qu’est ce cœur, ce qui l’a fait bondir, vomir, grossir, valser léger comme une plume ou peser comme une pierre, ce qui l’a étourdi, ce qui l’a fait fondre – l’amour ; ce qu’est le cœur de Simon Limbres, ce qu’il a filtré, enregistré , archivé, boite noire d’un corps de vingt ans, personne ne le sait au juste, seule une image en mouvement créée par ultrason pourrait en renvoyer l’écho, en faire voir la joie qui dilate et la tristesse qui resserre, seul le tracé papier d’un électrocardiogramme déroulé depuis le commencement pourrait en signer la forme, en décrire la dépense et l’effort, l’émotion qui précipite, l’énergie prodiguée pour se comprimer près de cent mille fois par jour et faire circuler chaque minute jusqu’à cinq cent litres de sang, oui, seule cette ligne-là pourrait en donner un récit, en profiler la vie, vue de flux et de reflux, vie de vannes et de clapets, vie de pulsations, quand le cœur de Simon Limbres, ce cœur humain, lui, échappe aux machines, nul ne saurait prétendre le connaître, et cette nuit-là, nuit sans étoiles, alors qu’il gelait à pierre fendre sur l’estuaire et la pays de Caux, alors qu’une houle sans reflets roulait le long des falaises, alors que le plateau continental reculait, dévoilant ses rayures géologiques, il faisait entendre le rythme régulier d’un organe qui se repose, d’un muscle qui lentement se recharge – un pouls probablement inférieur à cinquante battements par minute – quand l’alarme d’un portable s’est déclenchée au pied d’un lit étroit, l’écho d’un sonar inscrivant en bâtonnets luminescents sur l’écran tactile les chiffres :, et quand soudain tout s’est emballé.

Ce que j’en pense : ma petite libraire m’a présenté ce livre comme l’un des plus originaux du moment et le coup de cœur de nombreuses librairies. N’ayant entendu que des éloges, j’ai décidé de vérifier par moi-même.

Malheureusement, « réparer les vivants » est une grosse déception, et j’en suis désolée car je trouvais l’idée de base vraiment touchante et originale. Seulement, il n’y a pas de place pour l’empathie dans l’écriture de Maylis de Kerangal. Les phrases sont interminables (la première phrase fait une page en format poche), l’écriture contemplative, passive. L’histoire n’est en réalité qu’une compilation de descriptions autour des personnages et il n’y a que peu d’action. L’histoire se déroule en 24 heures mais j’ai eu l’impression qu’elle durait 3 semaines. Bref, je n’ai pas accroché au style de l’auteur. C’est dommage quand on sait que c’est le style qui fait l’originalité du livre.

Le livre traite du sujet du don d’organes ou comment « réparer les vivants ». Le cœur de Simon Limbres dix-sept ans, déclaré en état de mort cérébrale suite à un accident de surf, va être transplanté dans le corps de Claire, âgée d’une cinquantaine d’années et dont le cœur est à bout de souffle (Voilà. Je viens de vous résumer les 300 pages en trois lignes).

Que deviendra l’amour de Juliette une fois que le cœur de Simon recommencera de battre dans un corps inconnu, que deviendra tout ce qui emplissait ce cœur, ses affects lentement déposés en strates depuis le premier jour ou inoculés çà et là dans un élan d’enthousiasme ou un accès de colère, ses amitiés et ses aversions, ses rancunes, sa véhémence, ses inclinations graves et tendres ?

Autour d’eux vont graviter une myriade de personnages : les familles, le personnel médical, ceux qui transporteront le cœur etc…

Le choix qu’a eu à faire les parents de Simon nous renvoie à notre propre conscience : serions-nous prêts nous aussi à céder nos organes, partie intégrante de notre corps, pour les transplanter chez un étranger ? Serions-nous prêts à être lié à tout jamais à un corps étranger et de par le choix que l’on a fait, « réparer les vivants ».

En ce qui me concerne, mon choix est fait.

Ma note : 1,5/5

Publié dans Littérature

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1
dix-neuf ans et non pas dix-sept!
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B
C'est un livre qui a reçu un écho positif dans le monde médical
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M
Je le conçois tout à fait, mais il ne s'agit ici que de mon humble avis