Le malheur du bas d'Inès Bayard
Ce que dit la quatrième de couv’ : « Au coeur de la nuit, face au mur qu'elle regardait autrefois, bousculée par le plaisir, le malheur du bas lui apparaît telle la revanche du destin sur les vies jugées trop simples. »
Dans ce premier roman suffoquant, Inès Bayard dissèque la vie conjugale d'une jeune femme à travers le prisme du viol. Un récit remarquablement dérangeant.
Le petit Thomas n’avait pas eu le temps de finir sa compote. Sa mère ne lui avait laissé aucune chance. La vitesse à laquelle le poison s’était diffusé dans son sang lui avait simplement permis de ne pas trop souffrir au moment de mourir. Seul le corps de Marie était resté droit, solidement enfoncé dans le dossier de sa chaise, la tête basculée vers l’arrière. Sûrement avait-elle lutté pour qu’on le remarque. Laurent avait été le premier servi. En découvrant ces trois corps livides et figés autour de la table, peu de personnes auraient pu imaginer la chaleur des rires envahir la pièce quelques secondes avant que le drame ne se produise.
Ce que j’en pense : Âmes sensibles s'abstenir...
Marie et Laurent forment un couple quasi parfait sur le papier. Laurent est un brillant avocat et sa femme, Marie, est conseillère en gestion de patrimoine. Tous deux habitent un appartement parisien cossu, sont entourés d'une famille aimante et d'amis qu'ils retrouvent le soir à diner autour d'une bonne bouteille de vin. Tous deux sont très brillants dans leur professions : Laurent, plus loquace, aime briller dans les conversations et prendre soin de sa femme, qui sait rester discrète et à l'écoute quand il le faut. Une seule chose manque à ce tableau parfait : un enfant. Et quand Laurent accède à la demande de Marie d'avoir un enfant tous les deux, c'est une femme comblée.
Un soir, après une réunion de travail, le Directeur d'Agence de Marie lui propose de la ramener chez elle en voiture. Garé près de chez elle, il la viole sauvagement dans sa voiture. Marie choisit de garder le silence et ne révèle rien de son agression. Quelques mois plus tard, elle réalise qu'elle est enceinte. Pour elle, aucun doute : cet enfant à venir est le fruit de son viol...
Il faut aimer être bousculé pour lire ce roman, et Inès BAYARD le fait avec brio. Rien ne nous est épargné : la scène de viol (que j'ai lu avec la nausée), le dégoût de son corps, la colère, la noirceur, l'enfant non désiré, la sexualité traumatisée, le choc irréversible.
Et il y aussi les apparences à préserver. Le silence de Marie, pour sauver les apparences, qui la plonge dans les abymes de la douleur et du dégoût. Du dégoût pour elle-même, mais également du dégoût pour son enfant. Ce silence qui la plonge dans les abymes de la folie, jusqu'à en devenir paranoïaque, jusqu'à faire d'elle un monstre.
Pour moi, ce livre fera partie de mes lectures marquantes au même titre que "Chanson douce". On retient souvent son souffle, on est choqué, peiné. Je n'irai pas jusqu'à dire que j'ai "adoré", parce qu'on n'adore pas les histoires de viol, mais je pourrai vous dire que j'ai été bousculée, et c'était peut-être ça le but recherché.
Ma note : 3,75/5