Rivage de la colère de Caroline Laurent

Publié le par mademoisellechristelle

 

Ce que dit la quatrième de couv’ : Certains rendez-vous contiennent le combat d'une vie.

Septembre 2018. Pour Joséphin, l’heure de la justice a sonné. Dans ses yeux, le visage de sa mère...

Mars 1967. Marie-Pierre Ladouceur vit à Diego Garcia, aux Chagos, un archipel rattaché à l'île Maurice. Elle qui va pieds nus, sans brides ni chaussures pour l'entraver, fait la connaissance de Gabriel, un Mauricien venu seconder l'administrateur colonial. Un homme de la ville. Une élégance folle.

Quelques mois plus tard, Maurice accède à l'indépendance après 158 ans de domination britannique. Peu à peu le quotidien bascule et la nuit s'avance, jusqu'à ce jour où des soldats convoquent les Chagossiens sur la plage. Ils ont une heure pour quitter leur terre. Abandonner leurs bêtes, leurs maisons, leurs attaches. Et pour quelle raison ? Pour aller où ?

Après le déchirement viendra la colère, et avec elle la révolte.

 

Roman de l'exil et de la révolte, Rivage de la colère nous plonge dans un drame historique méconnu, nourri par une lutte toujours aussi vive cinquante ans après.

Ce n’est pas grand-chose, l’espoir.

Une prière pour soi. Un peu de rêve pilé dans la main, des milliers d’éclats de verre, la paume en sang. C’est une ritournelle inventée un matin de soleil pâle.

Pour nous, enfants des Îles là-haut, c’est aussi un drapeau noir aux reflets d’or et de turquoise. Une livre de chair prélevée depuis si longtemps qu’on s’est habitués à vivre la poitrine trouée.

Alors continuer. Fixer l’horizon. Seuls les morts ont le droit de dormir. Si tu abandonnes le combat, tu te trahis toi-même. Si tu te trahis toi-même, tu abandonnes les tiens.

Ma mère.

Ce que j’en pense : il y a des écrits et des histoires qui vous bouleversent… Cette histoire m’a serré le cœur, tordu les intestins, et m’a touché jusqu’à mon âme. Cette histoire, ce n’est pas seulement celle de Marie-Pierre et de Gabriel, c’est l’histoire d’un peuple, l’histoire de mon peuple.

 

Les mauriciens connaissent bien l’histoire de Diego Garcia…

 

Diego Garcia faisait partie d’un archipel d’îles, les Chagos : quelques grains de sable dans l’océan indien, un goût de paradis terrestre, une vie simple qui s’écoule au rythme de la nature et du séga que l’on danse le soir sur plage. L’argent ne circule pas, les vivres arrivent par bateau, les habitants veillent les uns sur les au

tres.

 

Les Chagos étaient annexés à l’île Maurice, lorsque cette dernière était une colonie britannique. Seulement voilà, dans les années 60,  Maurice négocie dans l’ombre son indépendance, pendant la vague de décolonisation. Des pots de vin auraient été alors versés par le futur gouvernement mauricien aux autorités britanniques afin d’échanger les Chagos contre l'indépendance de l'île Maurice. Une fois les Chagos aux mains du Royaume-Uni, les anglais décidèrent de céder l’archipel aux Etats-Unis pour en faire une base militaire.

 

Et un beau matin, les chagossiens ont vu débarquer sur leur île des militaires, qui leur ont signifié, fusils à la main, qu’ils avaient une heure pour rassembler leurs affaires sans autre explication. Les chagossiens ont été déportés par bateau à Maurice et aux Seychelles. On les a parqués comme du bétail, on les a débarqués sans argent, sans nul part où aller, laissés à l’abandon des bidonvilles, dénier le droit d’avoir une nationalité.

 

« Rivage de la colère » sonne comme un cri de révolte, de colère, de passion, de désir de justice. Un collectif de chagossiens demande aujourd’hui réparation à la justice. En mai 2019, la Cour internationale de justice a rendu un avis favorable aux chagossiens estimant que le Royaume-Uni avait illicitement séparé l’archipel des Chagos de Maurice. Cet avis n’ayant qu’une voix consultative, le combat continue.

 

Merci à toi Caroline, de donner la voix à ceux que l’on n’entend pas, aux touts petits, aux faibles, à ceux dont on a préféré étouffer la souffrance, aux minorités qui dérangent, à ceux dont on a volé la terre… Le combat des chagossiens est leur raison de vivre, ton livre est ma raison de lire…

 

J’ai refermé le livre les larmes aux yeux, débordante d’émotions, et soudain en moi, ont résonné les paroles d’une chanson bien connue de tous les mauriciens : « mo bien sagrin nou fine perdi ène zoli ti zil…. »

 

Ma note : 4,5/5

Publié dans Littérature

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