Le grand vide de Léa Murawiec

Publié le par mademoisellechristelle

Ce que dit la quatrième de couv'" Mais… Manel Naher, c'est moi !" Qui est donc cette autre Manel Naher, qui fait la Une des journaux ? Elle fait de l’ombre à Manel Naher, la vraie Manel Naher, l'héroïne de cette histoire ! Elle ne se rend pas compte qu’elle la met en danger, la vraie Manel Naher, en ayant tout ce succès ? Vous comprenez, si tout le monde se met à penser à cette Manel Naher qui devient célèbre, au lieu de penser à Manel Naher, qui passe ses journées au fond d'une petite librairie… eh bien : on risque de l’oublier, notre Manel. Et dans ce monde, si l’on ne pense plus à vous, alors vous mourrez, tout simplement. Penser à quelqu'un, c'est lui donner de la Présence. L'horizon, ici, est barré par les milliers de noms qui s'affichent de toutes parts, et les mendiants ne quémandent qu'une seconde d'attention… Survivre pour certains, devenir Immortel pour d'autres : c'est la Présence qui fait tourner cette ville tentaculaire. Manel, elle, tournerait volontiers le dos à tout ça ; mais là-bas, au delà des grattes-ciel, il n'y a que le grand vide, d'où personne n'est jamais revenu…

 

Ce que j'en pensePour vivre heureux/reuse, faut-il vivre caché/e ? 

Dans le monde de Manel, la vie des gens dépend de leur présence, càd de leur existence dans la pensée des autres. Ainsi donc, si personne ne pense à toi, tu t'éteins. Dans le monde de Manel, les gens n'hésitent pas à afficher leurs noms sur des pancartes lumineuses placardées partout dans la ville pour ne pas se faire oublier et exister aux yeux des autres. Certains auront d'ailleurs tellement de présence qu'ils en deviendront immortels. Au-delà des frontières de la ville, il n'y a qu'un "grand vide" dont personne n'est jamais revenu. Impossible donc d'échapper à l'obligation de présence qui est vitale.
Manel est une jeune fille qui se fiche plutôt de se faire voir auprès des autres et préfère dévorer les livres de sa librairie préférée ou passer du temps à rire avec son meilleur ami. Un jour, Manel apprend l'existence d'une chanteuse qui porte le même nom et prénom qu'elle. La présence de Manel va donc drastiquement diminuer du fait de la popularité de la chanteuse.
Manel ira consulter un médecin qui va lui prescrire un traitement de choc : multiplier les actions pour se faire voir de tous et augmenter drastiquement sa présence.
 
Dans cette dystopie, Léa Murawiec nous invite à nous interroger sur notre besoin de nous "afficher" aux yeux des autres et d'exister à travers les yeux de ceux qui nous regardent. Bien évidemment, on ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec notre monde actuel et notamment ce besoin que beaucoup d'entre nous éprouvent de nous montrer sur les réseaux sociaux et de prouver aux autres que l'on existe et que l'on mène une existence géniale.
Plus qu'un besoin, c'est même devenu une dépendance pour certaines personnes avec des répercussions sur la santé mentale qui ne sont pas sans conséquences.
 
J'ai trouvé ce roman graphique particulièrement intelligent et très prenant. Les dessins représentant la ville imaginaire sont très parlant et je me suis sentie un peu "étouffer" sous le poids de tous ces panneaux, tous ces noms et toutes ces lumières, un peu comme le sentiment anxiogène qui nous envahit quand on scrolle son écran.
J'apprécie énormément les auteurs/trices qui savent non seulement raconter une histoire, mais surtout, qui utilisent cette histoire pour vous faire réfléchir sur des sujets sociétaux et c'est complètement le cas ici.
 
Un premier roman graphique qui parait très prometteur pour la suite !
 
Ma note : 4/5

Publié dans Littérature

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